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Taxe carbone… késako ?

On retrouve de plus en plus les termes de taxe carbone dans l’actualité, quand on parle de climat. Mais quelles sont les caractéristiques de cette mesure ?

Définition

La taxe carbone consiste à faire payer au consommateur final d’un bien (comme la TVA), un montant relié aux émissions de GES que l’on décide d’attribuer au bien en question.

Le périmètre de ces émissions peut varier, allant de l’utilisation du bien (par exemple, une taxe carbone appliquée uniquement sur les carburants fossiles gaz et pétrole) jusqu’à inclure aussi les émissions liées à sa production et à sa commercialisation.

Elle fait donc partie des méthodes du ‘signal prix’:

  • le produit de la taxe de prix du bien est censé couvrir les dommages engendrés par les GES (les externalités négatives, en jargon économique). Cela implique de pouvoir quantifier ces dommages et surtout de pouvoir les compenser par des activités humaines. Concernant le climat, à part capturer du CO2 qui est très difficilement faisable à grande échelle (et donc serait très cher), il n’y a pas vraiment de compensation possible. De plus, la quantification économique des dommages est impossible dans le cadre du changement climatique: en effet, le volume des dommages dépend de l’efficacité de la taxe, qui elle même est censée dépendre d’une estimation des dommages futurs. On tourne en rond.
  • l’accroissement de prix est censé dissuader les citoyens d’acquérir ce produit, tout en incitant les producteurs à réorienter leur production. Or comme toute taxe, la taxe carbone est indépendante des revenus de l’acheteur. Son caractère incitatif est donc ‘relatif’, puisqu’on sent bien que selon que l’on gagne 1000€ ou 10000€ par mois de revenus, on ne considèrera pas de la même manière une augmentation de prix de 1€ sur un bien. De fait, cet effet limite également le taux de cette taxe, puisqu’une taxe trop importante est peu acceptable socialement (voir les Gilets Jaunes).

Des alternatives se sont donc développées, comme par exemple la taxe carbone compensée. Le principe de la taxe carbone compensée, c’est de reverser le montant de la taxe de manière uniforme ou préférentiellement pour les plus démunis par exemple. De cette manière, on limite l’effet pervers de l’accroissement de prix, notamment pour les produits de première nécessité.

D’un point de vue périmètre, la taxe carbone peut très bien être appliquée aux biens importés.

D’un point de vue libertés, la taxe est relativement indolore, puisqu’elle ne proscrit pas l’achat de biens émetteurs, elle tente simplement de les modérer.

Effet rebond

On arrive ensuite sur l’autre point majeur de la taxe carbone: l’absence de compte global, ou effet rebond.

L’effet rebond a lieu lorsque la réduction des contraintes pour l’utilisation d’une technologie ou la consommation d’un bien, a pour effet de démultiplier l’utilisation ou la consommation. Par exemple, l’efficacité énergétique de la 5G, qui est réelle, va de pair avec une augmentation significative des débits disponibles, et donc rend possible des usages de données bien plus consommateurs de débit (4K par exemple). Si la consommation énergétique par bit transféré est divisée par 10, mais que les débits possibles sont multipliés par 20, on a bien un doublement de la consommation énergétique globale. Cet exemple est intéressant à double titre, car même si on peut objecter à raison que le surcroît d’émissions lié a l’augmentation globale de la consommation d’énergie est toujours soumis à la taxe carbone, on voit directement aussi que si la technologie en question est moins chère pour l’utilisateur en plus d’être moins consommatrice par unité de données, alors l’augmentation du prix due au surcroît de consommation visé par la taxe carbone peut très bien être plus que compensée par la baisse du prix ‘hors taxe’. Et que donc la taxe n’a in fine aucun effet. Rétrospectivement, le moteur principal de l’innovation dans un système capitaliste étant de maximiser les profits c’est-à-dire maximiser part de marché et minimiser prix de revient, force est de constater que le résultat est, en toute logique, une tendance à la baisse des prix de vente des marchandises. Dans ce contexte, l’effet pervers cité ci dessus joue à plein.

Un autre exemple théorique: aujourd’hui un certain nombre de personnes ne prennent pas l’avion pour des considérations écologiques. Admettons qu’une avancée quelconque permette de diviser par deux les émissions liées à l’utilisation des avions. Alors il est fort probable qu’une partie de ces mêmes personnes recommenceront à prendre l’avion: si c’est deux fois moins polluants, je peux le prendre plus souvent.

La conclusion à retenir sur l’effet rebond, c’est que cela supprime une part non négligeable des gains d’efficacité énergétique ou environnementaux. La raison est simple: l’Homme vit de désirs et non de besoins. Bâtir des plans sur des gains théoriques est donc niais.

TICPE

Oui, vous bien lu. Taxe Intérieure sur la Consommation de Produits Energétiques (https://www.economie.gouv.fr/entreprises/taxe-interieure-consommation-sur-produits-energetiques-ticpe). C’est ce que vous payez, a hauteur de environ 60 centimes d’euros par litre, lorsque vous passez à la pompe à essence. Si on se remet en tête que la majorité du prix de l’essence est constitué de taxes, et que l’essence est le combustible fossile par excellence (entre 2 et 3kgCo2eq/litre)… Ça ressemble bien à une taxe carbone déjà ça non ? Alors certes c’est un périmètre restreint, mais avouons que ce n’est pas ces 60 centimes d’euros, qui sont maintenant dans le paysage depuis un moment, qui sont à l’origine du remplacement progressif du parc automobile français par des véhicules moins émetteurs de CO2 ! Et 60 centimes d’euro par litre d’essence cela fait 200euros par tonne de CO2, soit déjà trois fois plus que les ‘sommets’ actuellement atteints sur le marché du carbone européen (https://www.lesechos.fr/finance-marches/marches-financiers/le-prix-de-la-tonne-de-carbone-atteint-des-sommets-1342138).

Et par rapport aux quotas ?

Les quotas peuvent se découper en deux ‘camps’: quotas amont, et quotas aval.

Les quotas amont

Ce sont les entreprises qui doivent se procurer des droits d’émission. C’est le cas du SEQE, le Système européen d’Echange de Quotas D’Emissions. Une partie des secteurs doivent acheter des quotas pour couvrir leurs émissions. Vis à vis des consommateurs finaux, l’effet est le même qu’une taxe: c’est un accroissement de prix en fonction de la pollution générée par la production des marchandises, indépendant du revenu de l’acheteur. Donc un impact plus important pour les ménages démunis, et plus faible pour les ménages aisés.

Comme c’est un système de quotas, il est peu sensible à l’effet rebond, donc efficace en théorie. Dans la pratique, le SEQE a montré de graves limites jusqu’en 2019 puisque des quotas gratuits étaient distribués en grand nombre, tuant toute l’efficacité potentielle du dispositif.

Un autre problème est qu’il est ‘invisible’ aux yeux des citoyens. Tous les dysfonctionnements sont donc peu présents dans les préoccupations des gens et donc dans leur bulletin électoral. Le point ci-dessus est notamment lié à cela.

Les quotas aval

Dans les quotas aval, ce sont les citoyens qui se voient allouer des droits d’émissions. C’est le principe de l’Allocation Climat. Ce dispositif comble toutes les lacunes des systèmes présentés ci-dessus:

  • effet incitatif indépendant du revenu, et même progressif: en moyenne les hauts revenus polluent plus, donc pour rentrer dans leur quota, un effort plus important sera requis.
  • bonne visibilité des gens sur le système et ses dérives éventuelles.
  • pas d’effet rebond, puisque c’est un système de quotas. Bien sûr, l’efficacité dépend du volume de droits d’émissions alloués, mais on peut raisonnablement penser que si le système est mis en place à la majorité, alors la majorité souhaitera avoir un système efficace.

Ce système cumule également les avantages des autres systèmes, à savoir:

  • visibilité publique de l’impact carbone des biens achetés (comme la taxe carbone, mais pas comme les quotas amont), permettant une prise de conscience.
  • Liberté individuelle: « rien n’est interdit », à condition de pouvoir rester dans son allocation.

2 commentaires sur “Taxe carbone… késako ?”

  1. L’effet rebond, avec une taxe carbone, vous ne demontrez pas, vous l’inventez à partir d’autres exemples type « efficacité énergétique ».
    Ca n’a pas lieu d’etre. Tout effet rebond sera « sanctionné » par un supplément de taxe carbone à payer.

    Enfin, entre l’allocation carbone, et une taxe carbone compensée, quelle différence ?
    Vous dites que ca ne resserra pas les emissions comme un quota.
    Et bien si, en augmentant le taux de la taxe, au fur et à mesure qu’elle produit son effet.
    Et eventuellement en ne compensant pas tout (notamment pour pouvoir financer les investissements collectifs).
    La compensation (le « cheque carbone ») revient, pour quelqu’un qui est en dessous l’objectif, à avoir le financement de toute sa taxe carbone, et qu’il lui reste le fruit de ce qu’il aurait obtenu dans l’autre système de la vente de ses quotas en trop ; mais avec un prix fixé par l’Etat, previsible et integrable pour planfier les changements, au lieu d’un prix de marché.
    Pour quelqu’un au dessus de l’objectif, ce que son cheque carbone ne financera pas en taxe carbone, correspond aux quotas qu’il aurait du acheter.

    Donc la difference, c’est dans la mise en oeuvre. Et l’allocation parait beaucoup plus bureaucratique

    1. @Rémi
      La grande différence c’est qu’avec l’Allocation Climat, il y a un volume défini de carbone alloué. Une fois qu’il a été consommé, il n’y a pas l’échappatoire qui, dans la taxe carbone compensée, réside dans le pouvoir de payer plus pour pouvoir émettre plus. C’est important car les 9 premiers déciles de revenus, par UC ne s’éloignent pas trop de la moyenne. Par contre, le dixième décile explose les compteurs. C’est aussi celui, du fait de la très inégale répartition des revenus, qui conserve la plus grande capacité d’épargne. Si on imagine une taxe carbone à 100 € la tonne, financer 20 tonnes d’excès d’émission est facilement finançable par cette tranche de la population dont la capacité d’épargne est égale à 38% de ses revenus proches de 100 000 € par an (https://www.insee.fr/fr/statistiques/4764600). Ça lui coûterait 2000 € ! Il faudrait que le prix du carbone atteigne 1000 € la tonne pour que cela ampute de manière significative leur mode de vie (je fais l’hypothèse qu’on diminue plus facilement son taux d’épargne que son mode de vie).

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