Notre constat
Un risque élevé de ne pas respecter nos engagements
Depuis plus de 30 ans, le GIEC alerte la communauté internationale sur les dangers du changement climatique provoqué par les émissions de gaz à effet de serre d’origine humaine. La France, parmi 144 pays, s’est engagée, à travers l’Accord de Paris (2015), à réduire ses émissions afin de limiter le réchauffement global à +2°C et si possible 1.5°C par rapport au début de l’ère industrielle. Pourtant, malgré cet engagement, l’empreinte carbone du pays tarde à montrer une réduction compatible avec cet objectif: pour la France l’objectif est de 2tCO2eq (à population constante), et nous en sommes à 10.
Des mesures politiques peu efficaces
Pour diverses raisons et surtout par un manque d’ambition politique, les effets des mesures mises en œuvre jusqu’à présent sont limités: l’empreinte carbone moyenne en France a baissé de 15% entre son plus haut en 2011, et son niveau estimé en 2019, soit une baisse annuelle de 2% alors qu’il faudrait presque le triple et ce maintenu sur 30 ans. Pire, certaines mesures ont eu un effet anti-redistributif (taxes sur les carburants), entraînant une désolidarisation des citoyens.
Une forte inégalité en termes d’émissions
Un français émet, en moyenne, à travers ses consommations, transports, logement…environ 10 tonnes d’équivalent CO2 par an. Ces émissions sont très inégalement réparties dans la population. Elles recoupent de manière significative les inégalités de revenus, même s’il peut y avoir des disparités au sein d’une même classe de revenus.
Les mesures individuelles que nous pouvons prendre dès à présent à notre échelle, peuvent réduire nos émissions d’environ 25% (source). Aller au-delà implique à la fois des aides à l’investissement (pour changer le mode de chauffage de son logement ou sa voiture par exemple) et un changement de l’environnement politique et économique global.
Les objectifs
L’objectif du gouvernement français est d’atteindre la “neutralité carbone” à horizon 2050, et avant ça, de réduire nos émissions nationales d’au moins 40% d’ici 2030 par rapport à 1990. L’Union Européenne souhaite même que chaque pays réduise ses émissions de 55% d’ici 2030. Pourtant, notre trajectoire actuelle ainsi que les mesures supplémentaires contenues à ce jour dans le projet de loi “Climat et Résilience”, de l’avis même de l’étude d’impact commanditée par le Ministère de la transition écologique, ne nous permettront pas d’atteindre ces objectifs, alors même que ces objectifs ne prennent pas en compte nos émissions importées, qui représentent la moitié de notre empreinte carbone (voir graphique ci-dessus).
Un changement radical dans la façon de penser la lutte contre le réchauffement climatique s’impose, afin de nous assurer que l’ensemble des investissements sont pertinents et suivis de résultats.
L’Allocation Climat, un outil équitable et efficace
Face à ce constat, il faut rendre tous les citoyens acteurs de cette transformation, pour faire levier sur les politiques et les entreprises tout en garantissant que les plus démunis (qui sont aussi ceux qui émettent le moins) ne seront pas défavorisés.
Mais comment faire? La proposition d’Allocation Climat consiste à fournir à chaque citoyen la même allocation annuelle de Gaz à Effet de Serre à émettre. Cette allocation irait en rétrécissant, en moyenne -6% chaque année, afin d’atteindre l’objectif de neutralité carbone en 2050.
L’allocation fonctionnerait, grosso modo, comme une monnaie : lors de l’acte d’achat, je paie non seulement le prix mais aussi l’empreinte carbone de ma consommation. L’allocation de base permet de couvrir les besoins des plus faibles. Si je dépense l’intégralité de mon allocation, je suis donc contraint de récupérer une allocation complémentaire auprès d’un tiers. Les personnes moins émettrices sont donc valorisées, et vice-versa.
Le dispositif a été imaginé par différentes personnes, à différentes époques : près de nous, le parlement britannique a sérieusement travaillé sur le sujet au début des années 2000. Les initiatives en faveur d’un tel système se multiplient et de nombreux intellectuels et personnalités politiques évoquent publiquement la solution.
Notre groupe de travail réunit des experts de différents horizons et réfléchit aux détails de sa mise en œuvre. D’ores et déjà, le concept présente les avantages suivants :
Un outil équitable
La moyenne française des émissions 2019 est d’environ 10 tonnes de CO2 équivalent par individu, avec des différences fortes : de l’ordre de 5t pour les personnes modestes, plutôt 25t pour les catégories socio-professionnelles supérieures CSP+. Globalement, la mise en place du dispositif aurait donc un effet redistributif.
L’Allocation Climat valoriserait les pratiques de sobriété à l’échelle collective, là où d’autres mesures plus sectorielles concernent de manière très différenciées les individus.
L’Allocation Climat concerne chaque individu, chacun est donc associé à l’effort collectif selon son mode de vie.
Pour cette raison, l’Allocation Climat contribue à réduire la fracture sociale sur le plan écologique et énergétique.
Pour autant, une action politique volontariste reste nécessaire pour limiter les consommations dites contraintes : rénovation thermique du bâtiment, lutte contre la dépendance aux transports motorisés, etc.
Un outil efficace
Stop aux effets rebonds ! Les gains d’efficacité énergétique permettent théoriquement de réduire les émissions de GES, par exemple, l’isolation thermique pour le chauffage des logements, ou la moindre consommation de carburant des nouveaux modèles de voitures. Sauf que ces gains sont trop souvent annulés par l’augmentation des consommations. Dans une maison rénovée, les particuliers ont souvent tendance à augmenter la température dans les pièces de vie pour augmenter leur confort avec une même facture énergétique. Dans l’industrie automobile, les gains de consommation de carburant sont annulés par la taille ou le poids des véhicules, ou même par l’augmentation des distances parcourues à consommation de carburant équivalente.
Dans le cas de l’Allocation Climat, il n’ y a pas d’effet rebond puisque le plafond est global. Les améliorations techniques permettent d’atteindre plus facilement l’effort de réduction des GES, qui lui n’est pas négociable, année après année, pour atteindre l’objectif de 2 t.eq.CO2 par individu en 2050..
Une trajectoire lisible. Avec l’Allocation Climat, tous les acteurs savent quel est l’objectif (2t/personne) et quelle est la trajectoire: on définit un montant d’émission par année, jusqu’à 2030 puis 2050, avec par exemple une réduction de 6% par an si cette réduction est linéaire. Les objectifs sont clairs, les règles sont les mêmes pour tous les acteurs résidents sur le territoire, il devient possible d’anticiper une stratégie économique ou d’investissement en conséquence, contrairement à d’autres dispositifs par nature plus fluctuants. L’obligation de résultat redonne de la lisibilité aux acteurs économiques tout en préservant une liberté des choix individuels à l’intérieur de la contrainte globale.
Non au dumping environnemental ! L’objectif de réduction sera basé sur l’empreinte carbone réelle (la consommation) des individus, c’est à dire que l’empreinte carbone tient compte également des émissions qui sont nécessaires pour des biens et services importés. Aujourd’hui, les politiques énergie/climat ne se basent que sur l’inventaire national (ce qui est émis à l’intérieur du territoire), et pas sur l’empreinte carbone. Ainsi, contrairement à d’autres mesures sectorielles ou fiscales, le compte carbone ne provoque pas d’incitation à la délocalisation des productions fortement émettrices, et incite au contraire les entreprises à importer des biens et services moins carbonés.
Quelques principes de mises en œuvre
L’Allocation Climat se dessine autour des principes de mises en œuvre suivants:
Qui bénéficierait de l’allocation? L’allocation est versée aux individus de manière mensuelle au travers d’un compte hébergé par une Caisse Climat. Les entreprises ne perçoivent pas d’allocation mais ont une obligation de tenir une “comptabilité carbone” décrivant les flux de carbone liés à leur activité.
Si nous devons consommer des produits étrangers, ou exporter? Les biens importés depuis l’extérieur de la zone d’application (l’UE idéalement, ou la France dans un premier temps) sont imputés d’un coût carbone calculé sur la base de l’empreinte carbone présumée, ou réelle si elle est certifiée par l’importateur. A contrario, pour l’export, l’entreprise exportatrice se voit allouer des crédits par une agence dédiée, si ses clients étrangers ne sont pas assujettis au dispositif. L’évaluation du contenu carbone des importations pourra bénéficier de synergies avec la mise en place du mécanisme d’”ajustement carbone aux frontières” décidé par l’Union Européenne.
Une allocation échangeable : en fonction des modalités de mise en œuvre, les quotas peuvent être échangeables à travers une bourse régulée et centralisée. L’objectif est de permettre un maximum de flexibilité, tout en garantissant le maximum de justice et en évitant d’éventuels effets pervers de marché.
Prise en compte des investissements : certains biens nécessitent une quantité très importante d’émissions à leur production, comme le logement ou bien un véhicule, dans une moindre mesure . Pour ces biens, comme dans la comptabilité classique, un amortissement doit être possible pour répartir la prise en compte de leur impact carbone sur de nombreuses années et ne pas épuiser trop rapidement le quota annuel tout en gardant l’incitation à la sobriété carbone.
Qu’est-ce qu’on attend pour s’y mettre?
Notre collectif s’évertue à rendre le plus opérationnel possible la proposition de l’Allocation Climat, il traite tous les détails de son fonctionnement et élabore plusieurs scénarios de mise en œuvre.
Pour vraiment limiter les émissions de tous et de chacun, la France a un rôle à jouer, que ce soit pour mettre en place la proposition dès maintenant, ou pour pousser à sa mise en œuvre à l’échelle européenne.
A mesure que les effets du réchauffement climatique se dévoilent, nous croyons que nos démocraties peuvent s’engager sur cette voie, ambitieuse mais réaliste.
Vous voulez faire de cette proposition une réalité?